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Cadres de Référence Intrapsychique, Part 2


Une approche «psychologie du moi-relations d’objet» de la psychothérapie des états limites
Le maniement du transfert et du contre-transfert, à l’intérieur de ma propre approche, peut être résumé comme suit. La consolidation du moi, du surmoi et du ça chez les patients ayant une organisation névrotique de la personnalité conduit à l’activation, dans le transfert, de caractéristiques globales de ces structures et à un processus progressif de redissolution de ces structures en leurs relations d’objet internalisées composantes; celles-ci sont alors manifestes en tant que paradigmes transférentiels successifs. L’analyse des motions pulsionnelles sexuelles et agressives survient dans le contexte de l’analyse des relations du soi infantile du patient avec ses objets parentaux significatifs tels qu’ils sont projetés sur l’analyste.

Dans le cas d’une organisation limite de la personnalité, les conflits intrapsychiques ne sont pas essentiellement refoulàs et, par conséquent, ne sont pas dynamiques sur un plan inconscient, mais s’expriment plutôt dans des états du moi mutuellement dissociàs qui reflètent le mécanisme de défense de la dissociation primitive ou du clivage. L’activation de relations d’objet primitives qui sont antérieures à la consolidation du moi, du surmoi et du ça est manifeste dans le transfert sous forme de l’activation d’états affectifs apparemment chaotiques, qui sont analysàs dans une procédure en trois étapes.

Lors de la première étape, la relation d’objet temporairement dominante, activée dans le transfert et reflàtàe dans l’état affectif prédominant, est diagnostiquée et verbalisée de façon interprétative. Lors de la deuxième étape, les représentations de soi et d’objet de cette unité soi-objet-affect sont diagnostiquées et repérées à mesure qu’elles sont alternativement mises en acte (enacted) par le patient et projetées sur le thérapeute. Ce qui est interpr tét té est l’inversion r tép tét tée des r tôles remplis par le patient et par le thérapeute, ce qui fournit au patient l’occasion intègrer ses identifications temporaires avec les représentations tant du soi que de l’objet de cette unit té relationnelle objectale particuli tère. Lors de la troisième étape, des unit tés contradictoires de relations d’objet internalisées construites sous la domination respective d’affects d’amour et d’agressivit té sont int tégr tées de fa tçon interpr tétative, amenant ou restaurant ainsi une int tégration du concept de soi. La restauration ou l’int tégration parall tèle d’un concept total d’autres personnes significatives permet à son tour une reconstruction plus r téaliste d’experi ténces pathogènes de la petite enfance et de l’enfance.

Au cours de ce processus, des opérations défensives primitives liées au clivage sont aussi interpr tét tées, et le th térapeute utilise l’exploration de ses propres r téactions contre-transf térentielles dans un sens large pour diagnostiquer la projection sur lui des représentations du soi primitif et/ou des représentations d’objet du patient, comme faisant partie de la projection alternative. En bref, l’approche en trois étapes de l’interprétation du transfert primitif conduit à une transformation des relations d’objet partielles en relations d’objet totales, des transferts primitifs (qui reflètent la pathologie à la phase de la séparation-individuation, qui précède la permanence de l’objet) en transferts avancés de la phase œdipienne du développement, dans laquelle la structure tripartie se consolide.

Le thérapeute qui écoute le patient avec une attitude analytique dépend de deux sources d’information: d’abord, de ce que le patient lui dit directement à propos de son expérience subjective, lorsqu’il parle aussi librement qu’il le peut de ce qui se passe dans son esprit. Deuxièmement, de ce que le patient communique au moyen de son comportement non verbal, y compris un usage du langage en tant que moyen d’action—une expression directe de matériel inconscient et des défenses contre celui-ci. Bien que tous les patients expriment une information significative par des moyens non verbaux, plus la pathologie de la personnalité est sévère, plus le comportement non verbal prédomine dans la communication globale. Dans ces conditions, l’identification projective est habituellement employée comme défense pour fa tçonner les aspects non verbaux de la communication du patient, aspects pouvant être diagnostiqu tés au travers de l’attention du thérapeute aux implications interpersonnelles du comportement du patient et à l’activation en lui-même de dispositions affectives puissantes qui reflètent ce qui est projeté sur lui.

Pendant que le thérapeute écoute, il doit à la fois s’immerger dans expérience subjective du patient au moyen d’identifications d’essai constantes au monde subjectif de celui-ci, et il doit être à l’écoute de ses propres réactions émotionnelles spontanées au comportement verbal et non verbal du patient.

En résum té, à l’intérieur d’un cadre «psychologie du moi-relations d’objet, les conflits intrapsychiques inconscients impliquent toujours des conflits entre certaines unités de représentations de soi et d’objet sous l’impact d’une motion pulsionnelle d tétermin tée (cliniquement, sous forme de certaines dispositions affectives) et des unités contradictoires ou opposées de représentations de soi et d’objet et de leurs dispositions affectives respectives, qui reflètent la structure défensive. Les conflits intrapsychiques inconscients ne sont jamais simplement entre des pulsions et des défenses; plutôt, la motion pulsionnelle trouve une expression à travers une certaine relation d’objet primitive, et la défense, aussi, se reflète dans une certaine relation d’objet internalisée. A des niveaux sévères de psychopathologie, des mécanismes de dissociation ou de clivage stabilisent de telles structures dynamiques à l’intérieur d’une matrice moi- tça et permettent aux aspects contradictoires de ces conflits de rester—du moins partiellement—dans la conscience, sous la forme de transferts primitifs. L’analyse de ces transferts primitifs est la t tâche centrale de la psychothérapie psychanalytique de l’organisation limite de la personnalité.

Pour conclure, j’ai présent té une approche psychanalytique particulière, j’ai expliqu té comment cette théorie se reflète dans une théorie de la technique et j’ai esquiss té la manière dont cette technique s’applique au traitement particulier de l’organisation limite de la personnalité.

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